lundi 16 mars 2009

Watchmen : des justiciers noyés par l’esthétisme

Non. Désolé. Vraiment. J’aurais aimé vous dire, comme la majorité de ceux qui l’ont vu, que Watchmen m’a emballé, que c’est la bombe du mois, que je suis sorti fasciné et soufflé par ce spectacle explosif. La vérité est ailleurs comme dirait l’autre. La vérité est que beaucoup d’aspects du film de Zack Snyder m’ont convaincu. Convaincu qu’un grand, un très grand film se cache entre les lignes du comic book d’Alan Moore.

Malheureusement ce n’est pas ce film qu’a réalisé Snyder, car celui-ci s’est contenté de faire ce qui avait fait le succès (immérité ?) de son 300 : un blockbuster ultra léché qui en met plein la vue visuellement. Le problème c’est qu’avec Watchmen, il y avait bien mieux à faire qu’un défilé de 2h40 de ralentis, d’images bien chiadées, et d’enchaînements de standards musicaux à un rythme effréné.

Ce qui énerve chez un réalisateur comme Snyder, c’est qu’il fait primer la forme sur le fond. Ses effets spéciaux démentiels et son sens visuel aigu sur l’approfondissement des personnages et sur la densité de son intrigue.

Du coup oui, plus d’une fois on se trouve bluffé par l’immensité du film, son sens du grandiose qui en impose sur grand écran. Mais Snyder a-t-il si peu de choses à faire dire à ses personnages qu’il préfère accompagner incessamment ses images par des tubes des années 80 ? A-t-il tellement peur d’affronter le réalisme de la violence qu’il préfère constamment emballer ses scènes d’action (aussi bien le combat que le sexe) par des ralentis qui finissent vraiment par lasser ? 2h40 ainsi, c’est trèèèèès long.

Il y avait pourtant de grandes choses à faire avec une base pareille, avec cet univers parallèle dans lequel se déroule Watchmen. Dans cet univers, les États-Unis ont gagné la guerre du Vietnam grâce au Docteur Manhattan, une sorte de Dieu vivant dont les pouvoirs n’ont pas de limites. Nixon, grâce à cela, est toujours président au milieu des années 80, alors que la Guerre Froide bat son plein et menace de faire éclater sous peu une guerre nucléaire apocalyptique. Les Watchmen, ces justiciers d’une autre époque, ont été mis à la retraite forcée, mais lorsque l’un d’entre eux est assassiné, ils ressortent de l’ombre.

Avant Zack Snyder, de nombreux cinéastes ont été à deux doigts de porter à l’écran Watchmen. Terry Gilliam il y a bientôt 20 ans. Darren Aronofsky avant qu’il ne préfère se consacrer à The Fountain. Paul Greengrass. Ce dernier en particulier aurait fait sans nul doute un film aux antipodes de celui de Snyder, visuellement parlant.

Bien sûr il y a de bonnes choses tout de même sous ce déluge d’esthétisme. A commencer par une ambition narrative jouant la carte du récit éclaté, entremêlant les époques avec une belle fluidité. L’autre énorme réussite du film, c’est le personnage de Rorschach, le plus mystérieux, fascinant, inquiétant des Watchmen. Un petit homme caché derrière son masque, absorbé plus qu’aucun autre par sa mission, par sa foi dans la nécessité des justiciers masqués. C’est, avec le Docteur Manhattan, le personnage le plus réussi du film…

Les autres personnages sont malheureusement bien pâles à côté, soit par leur traits trop grossiers (Le Comédien), soit par leur manque d’épaisseur. Il est également possible de regretter que l’adaptation, dans son désir de rester peut-être trop fidèle à la BD dont elle est tirée, ne parvienne pas à rendre plus moderne les enjeux de l’intrigue, à tirer un parallèle avec notre époque elle aussi bien sombre, se contentant trop de rester dans son pré carré des années 80.

La déception a donc été au rendez-vous. On est bien loin d’un Dark Knight, qui bénéficiait derrière la caméra d’un Christopher Nolan ayant préféré mettre tout le poids du film dans la complexité de ses personnages et la richesse de son propos, cherchant le côté obscur non dans l’aspect visuel comme Snyder, mais dans la réflexion constante sur la perception du bien et du mal, chose que Watchmen ne parvient à dessiner que dans son dernier acte.

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