mercredi 24 juin 2009

L'amitié au cinéma : hors des sentiers battus

Il y aurait de quoi écrire une thèse sur la représentation de l’amitié au cinéma. Si l’on a souvent tendance à décomposer ce lien entre les être humains selon les genres ou les âges, il faut tout de même avouer qu’au bout du compte, homme ou femme, jeune ou vieux, le sentiment profond est le même, et son traitement cinématographique pas aussi évident qu’il y parait. C’est une chose que de présenter des personnages comme des amis, c’en est une autre de le faire ressentir au plus profond de soi.

Il est encore moins évident de deviner quel film va nous offrir un regard vif et touchant sur le sujet. Ne cherchez pas dans un film dont le titre comporte le mot « Ami » car il s’agit souvent d’un faux ami, un film traitant l’amitié de façon trop convenue, trop attendue, trop facile. Le mariage de mon meilleur ami ? Mon meilleur ami ? Non, ne cherchez pas dans cette voie là.

Cherchez un film dont le pitch n’amène pas immédiatement le thème de l’amitié. Cherchez Un monde parfait et sa cavale d’un taulard dans le Texas des années Kennedy. Cherchez JSA et ses gardes frontières coréens sur la zone démilitarisée, pris dans le tourbillon d’une tragédie inévitable. Cherchez Les évadés et la vie dans la prison de Shawshank dans les années 40.

2008 nous avait offert une des histoires d’amitié les plus inattendues, rafraichissantes et emballantes qui soit, Delire Express de David Gordon Green, ou l’échappée de deux fumeurs de joints pris pour cibles par des flics véreux. 2009 ne sera pas exempt d’un film s’attachant remarquablement à cette thématique secondaire de l’amitié qui parvient à prendre le dessus sur le reste. Ce film est… un long-métrage d’animation japonaise intitulé Piano Forest. Le pitch ? Un jeune ado de bonne famille, apprenti pianiste, débarque de Tokyo dans une petite ville de province et découvre que la forêt locale abrite un piano ne répondant qu’aux mains d’un garçon issu des quartiers mal famés de la ville.

Les films cités plus hauts étaient surtout le parfait exemple de la représentation de l’amitié masculine sur grand écran. Piano Forest s’attache lui à l’amitié enfantine. Dans un film d’animation, le risque de traiter le sujet à hauteur d’enfant et lui imprimer ainsi le ton correspondant est grand. L’immense réussite du film de Masayuki Kojima est de trouver le parfait équilibre entre la part enfantine du sujet, à travers le personnage de Kai, le jeune chien fou, et sa part adulte, le sérieux Shuhei. La joie insouciante côtoie cette amertume toute rétrospective, nostalgique d’un point dans le temps conservé et chéri dans un coin de la mémoire.

C’est un film exalté mais qui place le non-dit et la réserve en son cœur, dans un souci de retenue réaliste dans cette peinture de l’amitié. L’amitié parfaite est un véritable fantasme geek (regardez tous les films de Kevin Smith ou Judd Apatow) qui trouve le plus souvent son plus beau traitement dans le cinéma asiatique. Car la sobriété des sentiments qui accompagne l’amitié (honnête et réfléchie, à l’opposé de l’amour, passionné et déraisonnable) se retrouve parfaitement dans la capacité du cinéma oriental à exprimer la retenue.

Piano Forest s’avère ainsi être, en fin de compte, la très belle histoire d’un riche gamin des villes et d’un pauvre gamin des champs unis par leur attachement au piano. Un film offrant toutes ses lettres de noblesse à l’amitié pure et sans arrière-pensée. Un brin fantasmagorique, mais que l’on rêve tous de connaître dans nos vies.

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