samedi 13 novembre 2010

Ryoo Seung-Wan à l'honneur avec humour et style au FFCF 2010

L'an dernier, le Festival Franco-Coréen du Film avait invité le peu intéressant Lee Myung Se comme cinéaste à l’honneur. Les films que j’avais déjà vus de lui m’avaient peu impressionné, et les trois que j’avais découverts au FFCF 2009 m’avaient confirmé que le cinéma du réalisateur coréen n’était pas du tout compatible avec mes goûts cinématographiques. Forcément, je guettais avec curiosité et inquiétude le nom de celui qui lui succéderait au cours de cette édition 2010. Lorsque ce fut Ryoo Seung Wan qui fut annoncé, la satisfaction domina les autres sentiments, car je n’avais vu qu’un film du metteur en scène jusqu’ici (je sais, je sais, vous allez me dire « Mais la plupart existent en DVD en France ! »).

La crainte n’était tout de même pas loin derrière la satisfaction, car le seul film vu jusqu’ici était Die Bad, vu il y a quatre ans à Paris Cinéma, qui m’avait laissé froid. Ce premier long-métrage (en fait plusieurs sketches assemblés) est par ailleurs l’un des films retenus par le FFCF… peut-être lui aurais-je laissé une seconde chance si le programme du festival avait été moins chargé, mais ma priorité a été mise sur les deux autres œuvres de Ryoo Seung-Wan présentées.

La première est arrivée jeudi soir après avoir souffert devant The Room Nearby, et le spectacle que m’a offert Crazy Lee – Agent secret coréen correspondait parfaitement à ce dont j’avais besoin en tant que spectateur ce soir-là. Une bouffée d’air purement délirante aux effets salvateurs dans le contexte post-mauvais film. Pourtant dans les premières minutes du film, j’ai douté. J’entendais les coréennes rire à gorges déployées derrière moi pendant que je me demandais ce qu’il y avait de si drôle dans une des scènes d’ouverture.
Crazy Lee suit une mission de Dachimawa Lee, le plus grand agent secret coréen, adulé des hommes et désiré des femmes, sous l’occupation japonaise des années 40. L’agent Lee doit mettre la main sur un Bouddha en Or renfermant une liste que convoitent des comploteurs japonais, chinois, et même coréens renégats. Voilà le point de départ, prétexte à une parodie absurde et jouissive d’un cinéma local qu’il n’est pas nécessaire de connaître pour se régaler (je ne connais pas les films parodiés, et cela ne m’a pas empêché de rire !).

La fameuse séquence qui au début du film me laissait perplexe voyait les comploteurs réunis, coréens, chinois, japonais, pour mettre au point leur plan. Les coréennes riaient tellement dans la salle que j’avais du mal à prêter attention à ce qui se disait et comment cela se disait… Puis en tendant mieux l’oreille et en faisant abstraction des rires, j’entendis mieux les chinois et les japonais parler… et ceux-ci parlaient en réalité coréen. Ils dialoguaient en prenant des accents chinois ou japonais ultra appuyés, mais en coréen. Sur le coup c’est désarçonnant, mais une fois qu’on a assimilé le trait d’humour, c’est irrésistible, et l’on se délecte des accents traînants et chuintants des coréens parlant chinois (en coréen).

Le film est à l’image de ce type d’humour, moqueur et irrésistible. Tout y contribue. La musique qui consiste parfois en des standards occidentaux modernes réorchestrés, les scènes d’action étirées jusqu’à l’absurde, et bien sûr Dachimawa Lee lui-même, interprété par un acteur au physique plus que banal, Im Won-Hee. Mais ce standard n’a pas lieu d’être dans ce monde où Dachimawa Lee est un sex-symbol ultime qui fait tomber les plus belles filles de Corée. Aaaaaah qu’il fait bon s’aventurer en Mandchourie sur grand écran avec Dachimawa Lee… Ryoo Seung-Wan est remonté dans mon estime en un film.

Et dès le lendemain vendredi, un second film me confirmait que le cinéaste coréen est bien de ceux à surveiller. J’aurais aimé voir Crying Fist plus tôt. J’aurais aimé le voir il y a cinq ans, après qu’il fut présenté au Festival de Cannes 2005, à la Quinzaine des Réalisateurs. La plupart des films passant par une des sections de la Croisette sortent dans les mois qui suivent dans les salles obscures françaises, mais le film de Ryoo Seung Wan n’a jamais eu cette chance, ou plutôt c’est nous, spectateurs français, qui n’avons jamais eu cette chance.

C’est donc avec plaisir que je venais découvrir Crying Fist sur grand écran. Le film suit les destins parallèles de Gang Tae-Shik et Yoo Sang-Hwan. Le premier est un ancien champion de boxe qui a passé la quarantaine et vient de se faire viré par sa femme. Il se retrouve à vivre dans une cabane sur le toit d’un immeuble et vivote en tant que punching-bag humain, se laissant boxer par les passants dans la rue contre 10,000 wons. Yoo Sang-Hwan est lui une petite frappe de 19 ans commettant méfait sur méfait et finissant en prison, où il va commencer à monter sur le ring.

Si j’ai un moment pensé que les chemins des deux protagonistes allaient rapidement se croiser, je me suis finalement ravisé. Il apparaît finalement assez clairement que ces deux hommes ne pourront se croiser que sur un ring lors du climax du film. Cette rencontre tant attendue n’en est rendue que plus forte, et elle permet au film de tisser en profondeur les portraits de ces deux hommes. Ryoo Seung-Wan a beau être un réalisateur connu pour son cinéma d’action, Crying Fist l’affirme pourtant comme un cinéaste capable de laisser l’action de côté pour composer un drame humain et social fort.

Le portrait croisé de Tae-Shik et Sang-Hwan fonctionne car il n’y a pas d’opposition, il n’y a pas de jugement de valeurs les distinguant. Les deux hommes sont mis sur un pied d’égalité, et le réalisateur les aime tous deux, et nous les fait aimer tous deux. Malgré leur différence d’âge, leurs vies sont observées dans ce qu’elles ont de commun. Dans leurs luttes, leurs adversités, leurs pertes, leurs amitiés, leurs souffrances, et leurs victoires, aussi infimes soient-elles. Crying Fist plait car il ne s’arrête pas à un film sur la boxe et les boxeurs. Il ne s’arrête pas à raconter l’histoire d’hommes combattant sur le ring et en dehors, contre les préjugés et les injustices. Il ne s’arrête pas à des problèmes de familles dysfonctionnelles. Crying Fist parvient à s’attacher à tout cela, avec patience et style. Il permet à Choi Min-Sik de livrer une belle performance de vieux boxeur blessé prêt à rallumer la flamme une dernière fois. Les plus belles scènes du film le lient à un restaurateur mutique qui le prend en amitié. Ryoo Seung-Beom, le jeune chien fou, en fait parfois un peu trop, mais sa présence à l’écran est indéniable.

Il y a trois jours, je n’avais vu qu’un film de Ryoo Seung-Wan, un film que j’avais préféré oublier. Aujourd’hui, avec deux bons films de plus au compteur, ma perception du cinéaste coréen a changé. Il serait peut-être temps que je me penche sur les DVD de ses autres longs-métrages…

2 commentaires:

I.D. a dit…

Je te conseille alors la comédie Arahan qui est un divertissement tout simplement génial ! (Quoique un peu sur la fin)

Pas loin de partager le même avis que toi pour Die Bad. Par contre, j'ai moins accroché que toi pour Crying Fist. Pas non plus un souvenir tonitruant de No Blood, No Tears. The City of Violence c'est pas mal mais... y a des trucs... j'ai parfois du mal. Mais ça tatane bien. Pas vu ses autres réal'sinon.

David Tredler a dit…

J'essaierai de voir Arahan alors !

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