jeudi 27 janvier 2011

Paper Planes, un peu trop court pour carburer à 88 miles à heure

Il y a quelques mois je consacrais un billet au court-métrage Dustland de Leah Marciano. Elle m’avait invité à le voir lors d’une projection et m’avait ensuite donné carte blanche pour en parler dans mon Impossible blog ciné, quel que soit ce que j’avais à en dire. Je ne m’étais pas gêné pour pointer les défauts du film, et apparemment elle ne m’en a pas tenu rigueur puisque la semaine dernière, j’étais invité à la première projection officielle de son nouveau court-métrage, Paper Planes (http://www.paper-planes.fr/). Pour l’occasion, elle avait organisé avec ses producteurs une petite soirée, mais ce billet n’est pas écrit pour vous raconter la soirée.

Je vous passerai donc les détails de la première partie qui nous avait été concocté, un peu aussi, je dois bien l’avouer, car je n’en ai pas tiré grand-chose, entre un chanteur à l’accent français incroyablement trop prononcé lorsqu’il s’exprime en anglais et un acteur chargé de nous faire rire mais ramant pas mal avant de se tenir à un sketch sympathique à défaut d’être franchement drôle. Non, ce billet n’est consacré qu’au film Paper Planes, un court-métrage au synopsis ambitieux et cool : En 1988, Zoé, employée dans un petit cinéma de province, est tuée au cours d’un braquage. Charlie, son collègue qui n’a d’yeux que pour elle, va tenter de la sauver en défiant les lois de l’espace-temps.

C’est plus ou moins ainsi que le film m’a été vendu, et moi, éternel amateur de science-fiction, un pitch pareil, je fonce. Mais en sachant qu’il s’agit d’un court-métrage de moins de 30 minutes, la grande question c’était de savoir si les défis du film - faire un film d’époque (oui, un film se déroulant en 1988, c’est un film d’époque !), tisser une trame romantique, donner vie à une intrigue de voyage dans le temps - allaient être tenus.
D’ambition, mademoiselle Marciano ne manque à l’évidence pas avec Paper Planes. Et la première constatation, c’est à quel point techniquement le film tient mieux la route que son précédent. Soigné, le film l’est, notamment une photographie pleine de chaleur très réussie. C’est toujours bon à prendre lorsque l’on s’aventure sur le terrain du fantastique où un brin de surréalisme est le bienvenu.

Maintenant, pour ce qui est de la trame du film, je suis un peu plus circonspect. La scénariste / réalisatrice s’est un peu trop compliqué la tâche en voulant absolument déconstruire son récit et l’éclater de façon plus brouillonne que convaincante. Je vais me risquer à un beau lieu commun pléonastique, mais un court-métrage, c’est… court. Et dans un format court, il faut savoir garder un minimum de cohérence et de simplicité, ce que Paper Planes peine parfois à offrir. On tourne beaucoup autour du pot dans le film, les scènes s’enchaînent et se ressemblent expressément tant et si bien qu’on se demande si Leah Marciano n’a pas pris pour modèle Un jour sans fin d’Harold Ramis, mais sans vraiment le vouloir, et sans avoir le temps de faire aussi bien.

C’est dommage car le pitch est vraiment intéressant, et le traitement, comme souligné plus haut, se révèle réussi à bien des égards. Mais le film est pressé, trop pressé, et trop petit pour le bouillonnement scénaristique qui semble vouloir partir dans tous les sens. Ce n’est pas tant la déconstruction du récit qui gène, mais le fait que cette déconstruction semble manquer de maîtrise et ne parvienne pas à retomber sur ses pieds avec une impression de cohérence narrative. Je passerai aussi sur l’épisode « on se roule dans l’herbe en s’embrassant » du film, qui après la scène d’amour dans le foin de Dustland semble un gimmick de miss Marciano renvoyant aux grandes heures de Star Wars - Episode II : L’attaque des Clones. Je passe dessus car dans ce même Paper Planes, la réalisatrice a la bonne idée de conclure sur le même dialogue qui ponctuait L’Empire contre-attaque, tout espoir n’est donc pas perdu pour la référence « Lucassienne ». D’autant que ce n’est pas la seule référence du film, l’inévitable Retour vers le Futur de Robert Zemeckis venant forcément à l’esprit lorsqu’on voit le jeune Charlie débraillé, en slip ou avec ses bretelles bien en vue à la Marty McFly. C’est peut-être ça, qu’il faut retenir de Paper Planes. Une marque d’amour pour un pan de cinéma que j’affectionne qu’une jeune réalisatrice a choisi de saluer à sa façon, aussi bancale soit-elle.

Le film nous abandonne même sur une note très positive, celle du piano et de la voix de Sébastien Tellier nous déclarant son amour de « L’amour et la violence ». Non, Paper Planes n’est pas encore une franche réussite, mais le progrès est net depuis Dustland. Ce qui rend assurément curieux pour la suite, même si le choix de la réalisatrice de tourner par la suite une adaptation (personnelle, j’en suis sûr) du « Petit Prince » de Saint-Exupéry laisse craintif tant un tel projet est casse-gueule. Mais après tout, pourquoi pas ?

5 commentaires:

I.D. a dit…

Le seul "Paper Planes" que je connais, c'est ça :

http://www.youtube.com/watch?v=9E-d4VPt6cE

et c'est ma sonnerie de phone-tél depuis quelques années maintenant. :)

Plus sérieusement. Le pitch est pas mal, j'avoue. Ca donne envie. Mais le cinoche c'est plein de bonne idée (sur le papier) et la mise en forme (scène) c'est autre chose. Quant au teaser (trailer) ? Je ne sais s'il parvient vraiment à communiquer l'envie. En ce qui me concerne : non. Osons faire du trailer (ou teaser) différent, mince ! Mais c'est bien que cette personne persévère. Pas facile comme univers et puis c'est marrant, on causa d'elle avec Diana hier ou (avant-) parce qu'il me semble qu'on "connait" quelqu'un qui a bossé pour l'un de ses projets. De mémoire c'était sur le FB de Diana...

Il dur combien de temps ? Je ne sais plus si tu le dis dans ton billet...

David Tredler a dit…

Le monde est petit, donc c'est possible que vous connaissiez quelqu'un qui la connaît après tout.
Le problème du film (à mon avis) c'est qu'il y a plein de bonnes idées, mais ça manque d'un liant narratif, d'une cohérence essentielle pour un tel sujet. Du coup le film manque un peu de "niaque", ça se débat un peu trop contre lui-même. Mais bon, il y a de la promesse quand même...
La durée exacte, je ne sais plus, mais je dirais dans les 20/25 minutes.

I.D. a dit…

20/25 minutes. On en a déjà causé David à plusieurs reprises notamment lors du FFCF où il existe la compétition des films courts. C'est trop ! C'est moins pire que d'autre en terme de temps.
Le court-métrage est un exercice difficile, je ne jetterai donc pas la pierre (encore mois la première) mais je pense qu'un court-métrage ne doit pas excéder 10 minutes. Ca doit être une idée et bang ! Tu balances la chose quoiqu'il suscite. Fun, effroie, dégoût, extase, etc... Un court-métrage c'est comme les blagues. C'est les plus courtes qui sont les meilleures. Ca doit être direct, audacieux, sans fioriture tout en conservant une osmose.

Je vois le profil que tu donnes de ce travail à travers ton billet. Tu as un oeil assez averti pour que je puisse m'imaginer ce qui l'en est. L'espoir est là. Y a du potentiel. C'est son 2ème cm, celui-ci est mieux que le 1er, il reste encore du chemin à parcourir et c'est tant mieux. Pierre par pierre. Tout le monde n'est pas Orson "Citizen Kane" Welles, hein ? ;)

P'tit cm (en 140 s.) qui m'a beaucoup plu. Il concourre pour un festoche et est pour le moment dans le top 10 pour le prix du Jury :

http://www.festivalnikon.fr/videos/view/id/324

David Tredler a dit…

Moi je pense qu'il est possible de faire de bons courts de 25 ou 30 minutes, mais il faut absolument que ces films démontrent une compréhension du format. Il faut que le court se démarque du long. Ca ne doit pas être une idée de long condensée en court. Ca ne marche jamais comme ça. Il faut que le film soit pensé en court et que ce format rapide, nerveux, qui offre plein de possibilités dans le ton et le rythme, soit parfaitement mis en valeur.

Ce n'est pas le second cm de miss Marciano, elle en a fait d'autres que je n'ai pas vus, par contre.

Pour ce qui est du court que tu m'indiques, j'irai le mater ce soir...

I.D. a dit…

Pour défendre le 25/30 minutes... ouh toi, tu repenses à notre ami BJH avec son Incoherence, hein ? ^^

Allez pour le plaisir, les premières minutes :

http://www.youtube.com/watch?v=qHiT92W27PA

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