dimanche 29 mai 2011

J'ai testé le Ciné-Club de Jean Douchet

Il y a tant de choses à voir et à faire quand on est cinéphile à Paris, c’est affolant et excitant à la fois. On peut se contenter d’aller voir un maximum de nouveaux films sortant chaque mercredi, cela suffirait à couper de toute vie sociale. A une époque c’est ce que je faisais. Je passais tous mes week-ends, du samedi matin au dimanche soir, enfermé au cinéma pour voir toutes les nouveautés qui me tombaient sous les yeux. J’en suis sorti assoiffé de variété, d’une recherche de cinéma différente, plus ouverte, plus large, plus excitante. Il y a tant de projections spéciales sur la Capitale qu’il est difficile de se satisfaire du tout-venant.

Il y a quelques jours, un ami cinéphile était de passage à Paris, en provenance de province et assoiffé de projections parisiennes. On s’est retrouvé à côté du Quartier Latin sans avoir prévu exactement ce que nous verrions, lorsqu’il me proposa d’aller au Cinéma du Panthéon. C’était justement le soir où Jean Douchet tenait sa séance Ciné-Club. Tiens, voilà une chose que je n’avais encore jamais faite, assister au Ciné-Club de Douchet, cet éminent critique et historien du cinéma qui a commencé à aiguiser sa plume cinéphile sur les même bancs critiques que Truffaut, Godard et la bande de la Nouvelle Vague passée de critiques à cinéastes.

J’ai donc découvert qu’à chaque saison du Ciné-Club de Douchet, une thématique, ou un cinéaste est mis à l’honneur. Cette saison qui touche à sa fin est consacrée à Jean Renoir. Décidément, les choses sont bien faites, car le cinéma français pré-Nouvelle Vague, et notamment Renoir, est une de mes impardonnables lacunes d’amateur de cinéma. On alla donc prestement s’installer sur des sièges couleurs chocolat de la salle du Cinéma du Panthéon pour découvrir (pour ma part) Le testament du docteur Cordelier, un des derniers films tournés par l’impressionnant cinéaste français, réalisé à l’origine pour la télévision en 1959. Jean Douchet nous rejoindrait en fin de projection pour discuter du film.

En ouverture du film, Jean Renoir lui-même s’installe dans un studio pour présenter son film et commencer à en faire la narration, jusqu’à ce que sa voix disparaisse pour laisser le film se tisser de lui-même. Ce qui se trame ensuite sous nos yeux est une variation sur le célèbre Docteur Jekyll et Mister Hyde créé par Robert Louis Stevenson. Un notaire, maître Joly, découvre que son ami le docteur Cordelier, spécialiste ès psychiatrie, fait des expériences dans son laboratoire sur un certain monsieur Opale, un sinistre individu recherché pour de nombreuses agressions dans les rues de Paris.

Pour tout dire, je ne connaissais pas ce Testament du Docteur Cordelier. Et si l’on m’avait mis le film sous les yeux sans me préciser son année, j’aurais eu du mal à croire qu’il s’agissait là d’un film de 1959. Difficile de croire que le film est contemporain de la naissance de la Nouvelle Vague, tant il est empreint d’un classicisme formel renvoyant à un cinéma au moins dix ans plus vieux. Pourtant il ne s’agit pas là d’un défaut. Justement, Renoir se joue de l’aspect vieillot de son film en y insufflant des éclairs de modernité, bien que rares. Il y a également un plaisir décalé à voir ces acteurs surjouer de façon déjà surannée pour l’époque. Jean-Louis Barrault et Teddy Bilis se complaisent dans l’archétype d’un jeu à l’ancienne.

Et puis il y a ce mystère planant sur le film, cette compréhension que nous sommes là devant un cas à la Jekyll et Hyde sans que cela soit révélé avant longtemps dans le récit. C’est ce qui fait le sel du film, cette volonté de retarder le moment où la lumière sera faite sur cet étrange personnage qu’est Opale, sous les traits duquel Barrault brille de fantaisie dans ses démarches et mimiques. Un film m’ayant donné le goût de refaire mes lacunes en vieux cinéma français.

A la fin de la projection, Jean Douchet s’est présenté devant nous, se lançant avec volubilité sur le film de Renoir, son histoire, ses caractéristiques, la difficulté à en saisir toutes les nuances et interprétations. Douchet est calme, encyclopédique dans ses connaissances, et parle longuement. Il se sera même amusé à faire un parallèle entre la bourgeoisie ayant l’argent et le pouvoir qu’ils s’octroient sur leurs employés sans argent avec une certaine actualité résumée par l’acronyme DSK… Douchet donne la parole aux spectateurs que nous sommes, demandant combien d’entre nous n’avaient jamais vu le film, nous donnant le micro pour lui poser des questions, rebondissant sans cesse dans la direction qu’il veut donner à sa master class. C’est amusant à observer, et passionnant à écouter. On ressort de la salle dans la nuit, tenté de venir à la prochaine cession, en attendant de connaître le cinéaste mis à l’honneur la saison prochaine.

2 commentaires:

Martin K a dit…

Dis donc, David ! Tu veux bien arrêter de nous narguer avec ton offre pléthorique de ciné-addict parisien ? :)

Plus sérieusement, ça m'aurait bien plu d'assister à ce genre de projos, je pense. Le hasard veut que j'ai récemment découvert un autre film (plus vieux) avec Jean-Louis Barrault, le très fameux "Les enfants du Paradis" (Marcel Carné - 1945). Un ravissement pour moi !

Bon, à défaut de profiter des salles de la capitale, je te remercie pour ton blog, qui nous tourne souvent vers le cinéma inattendu ! Vivement la suite !

Et d'ici quelque temps, chez moi, les films des années 80 dont je te parlais l'autre jour et l'effectivement superbe "The tree of life". Hé ! Moi aussi, je fais un peu de teasing !

Bon week-end à toi, compère de la Toile !

David Tredler a dit…

Salut Martin !
Désolé j'écris pas ça pour narguer ^_^
Je suis ravi que mon blog te plaise autant ! Je guetterai tes nouveaux posts ;)

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