jeudi 11 décembre 2014

« Les ascensions de Werner Herzog » : deux escalades la mort en face

Il va falloir que je profite de la rétrospective consacrée à Werner Herzog au Grand Action pour améliorer mes connaissances de ses longs-métrages de fiction, car en regardant sa filmographie, je me rends compte que j’ai plus consacré mon temps à voir ses documentaires. Ils sont rares les cinéastes à être capables de nous offrir des films importants dans la fiction comme dans le documentaire, mais Herzog en fait partie.

Ces jours-ci vient de sortir en salles « Les ascensions de Werner Herzog », titre sous lequel on trouve deux documentaires du cinéaste allemand d’une quarantaine de minutes chacun, l’un réalisé en 1977, l’autre en 1984, avec pour cadre commun la montagne et couplés pour l’occasion d’une sortie en salles. Le premier, « La Soufrière », voit Herzog filmer le volcan guadeloupéen en 1976, alors qu’une éruption menace et que la ville adjacente de Basse-Terre a été évacuée devant le danger imminent. Herzog lui, trompe-la-mort devant l’éternel, se balade sur les flancs du volcan suintant de gaz à la rencontre d’une poignée d’hommes ayant choisi de ne pas quitter la montagne et d’affronter ce qui adviendra.

Le second film, « Gasherbrum, la montagne lumineuse », tourné huit ans plus tard, voit cette fois le réalisateur filmer deux alpinistes européens (italien et allemand) escalader deux sommets himalayens, les Gasherbrum. La possibilité de découvrir ces deux périples en hauteur sur le bel écran de la salle Langlois du Grand Action a eu raison de mon hésitation (tellement de films à voir, il faut faire des choix).

La Grand Action semble aimer faire commencer ses films à des horaires simples à retenir pour ses spectateurs, à savoir les heures et les demi-heures, et les séances des « Ascensions de Werner Herzog » en sont la preuve, puisque malgré une durée d’1h15 des deux documentaires, et une séance (bandes-annonces + publicités) affichant 15 minutes, soit au total 1h30 exactement entre le film projeté et les pubs, les séances étaient cette semaine… toutes les 1h30. 14h, 15h30, 17h… Des séances enfilées les unes derrières les autres à un rythme qui pourrait faire pâlir de jalousie le directeur de l’UGC Ciné Cité Les Halles. Mais au Grand Action il s’agit plus de proposer les séances à des horaires reconnaissables que de maximiser la rentabilité de la journée, contrairement aux Halles (même si l’inconfort qui en résulte est le même).

En conséquence nous sommes entrés en salles à 17h05 pour une séance à 17h (hum…). Mais finalement ce qui m’a le plus inquiété, c’était ce spectateur assis juste dans mon dos, qui avait traîné avec lui dans la salle un immense sac à dos et un carton vide et déplié. Ce n’est pas tant ce qu’il avait avec lui qui m’inquiétait que sa propension, pendant les bandes-annonces et publicités, à maugréer avec insistance dans sa barbe inexistante. Quand parmi ses borborygmes inintelligibles, je capte enfin un « Mais qu’est-ce que ça peut te foutre ? », j’imagine un petit Syndrome de La Tourette… mais finalement une fois l’ascension de La Soufrière commencée, je ne l’ai plus entendu. Peut-être ne faisait-il que s’adresser à moi, ayant détecté avec ses antennes que mes oreilles étaient tournées vers lui…

Toujours est-il qu’il s’est tu, et c’est peut-être grâce à cette même fascination qui s’est vite emparée de moi à la vision du film de Werner Herzog, qui l’aura rendu silencieux comme moi j’étais absorbé. Absorbé par ces escalades à haut risque, non pas tant par une curiosité morbide qui peut pousser l’être humain à attendre qu’un de ses congénères soit emporté dans une catastrophe, mais absorbé par le regard et le discours de Herzog, comme c’est souvent le cas dans les documentaires de l’allemand. Absorbé par le questionnement de ce qui peut pousser l’homme à mettre sa vie en danger, plus que par le danger lui-même. Que ce soit en 1976 ou en 1984, en Guadeloupe ou dans le Nord du Pakistan, que l’on vive sur le flanc d’une montagne ou que l’on se contente d’y passer quelques jours pour se dépasser et toucher la mort du doigt.

Les deux documentaires d’Herzog ont beau avoir trente et quasi quarante ans d’existence, ils sont hors du temps.

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